Séminaire international « Le travail discontinu et la (dé)protection sociale dans les dynamiques internationales du capitalisme : dialogues sur les zones grises entre le Brésil et la France »
Date : 12 février 2025 (14h00 – 17h00)
Lieu : Salle 17.1.07 , 292 Rue Saint Martin , 75003 Paris.
Programme :
14h00 – 14h10 : Introduction et coordination par Frédéric REY (Lise-Cnam-CNRS)
14h10 – 14h35 : Jordi ANGELO (Université Paris I - Panthéon-Sorbonne/Université de Brasília, Brasil) – Travailleurs ruraux, informalité et (dé)protection sociale devant la Justice au Brésil.
14h35 – 15h00 : Nicolas ROUX (Université de Reims/CEREP/CEET-Cnam) – La précarité durable. Vivre en emploi discontinu.
15h00 – 15h25 : Joannes Paulus Silva FORTE (Lise-Cnam-CNRS/Université d’État Vale do Acaraú/ Conseil National de la Recherche et du Développement Scientifique et Technologique (CNPq – Brasil) – Le contrat de travail intermittent au Brésil : l'institution du « employé-chômeur ».
15h25 – 15h50 : Discussion par Patrick DIEUAIDE (CIEE-Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3)
15h50 – 16h50 : Discussion avec les intervenants et la salle
16h50 – 17h : Clôture
Merci de confirmer votre présence en envoyant un mel à : joannesforte@gmail.com
Résumés des présentations :
- Jordi ANGELO (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Université de Brasília, Brasil) – Travailleurs ruraux, informalité et (dé)protection sociale devant la Justice au Brésil
Actuellement, la majorité des affaires portées devant la Justice fédérale brésilienne concernent la sécurité sociale, la plupart d'entre elles étant liées aux pensions de retraite rurale. Lors d'une recherche ethnographique menée dans les tribunaux fédéraux spéciaux (« Juizados Especiais Federais – JEF ») à Sobral, Ceará, 140 audiences ont été suivies entre juillet 2019 et février 2020, toutes concernant des questions de sécurité sociale. Sur ces 140 audiences, 66 concernaient la retraite des travailleurs ruraux, ce qui correspond à 47,14 % du nombre total d'audiences observées. Parmi les travailleurs ruraux qui ont participé aux JEF, il y avait ceux qui travaillaient principalement sur les terres de parents et d'amis, dans le cadre d'une économie familiale. D'autres vivaient et travaillaient dans des exploitations appartenant à des tiers. Toutefois, dans aucun des cas que nous avons suivis, les agriculteurs n'ont fait signer leur carte de travail en tant que « travailleurs ruraux », ce qui montre que l'informalité occupe également une position centrale dans la législation et les affaires de sécurité sociale. Considérant que le droit de la sécurité sociale et le droit du travail sont des produits du capitalisme et qu'ils ont tous deux été forgés dans le paradigme eurocentrique de la société salariale, dont l'hypothèse de la protection publique est basée, avant tout, sur le salariat et l'« affiliation » formelle du travailleur à une catégorie professionnelle, cette présentation se concentrera sur la question suivante : comment le droit de la sécurité sociale et les agents procéduraux qui le mettent en œuvre dans les JEF de Sobral traitent-ils les demandes de reconnaissance du droit à la retraite des agriculteurs âgés qui, en règle générale, ont travaillé toute leur vie « sans papiers », c’est-à-dire, sans enregistrements formels ?
- Nicolas ROUX (Université de Reims/CEREP/CEETCnam) – La précarité durable. Vivre en emploi discontinu
Les "crises" à répétition qui émaillent la société depuis de nombreuses années remettent à intervalles réguliers la précarité sur le devant de la scène, avec une tendance de fond : la multiplication des formes d’emploi discontinu, faisant alterner emploi et chômage dans la durée. Sur la base d'un ouvrage récent (La précarité durable, Puf, 2022), cette communication fait le pari de comparer deux populations que tout oppose à première vue, mais qui partagent d’alterner emploi et chômage sur le long terme : les ouvrières et ouvriers agricoles et les artistes du spectacle. Dans quelle mesure l’emploi discontinu est-il soutenable, c’est-à-dire supportable et acceptable par les personnes concernées ? Quelles ressources permettent de sécuriser leur situation ? Mais aussi, quelles satisfactions peuvent-elles en retirer malgré tout ? Observer comment ces travailleurs et travailleuses s’adaptent, c’est prendre acte d’un fait social majeur de notre temps, qui veut que tout un pan de la population active soit éloigné des droits et sécurités rattachés à l’emploi stable. C’est aussi réinterroger une société qui, tout en produisant de la précarité à différents échelons, tend encore à la percevoir comme une réalité exceptionnelle et temporaire, alors qu’elle est pour beaucoup une condition durable.
- Joannes Paulus Silva FORTE (Lise-Cnam-CNRS/Université d’État Vale do Acaraú – Ceará, Brésil/Conseil National de la Recherche et du Développement Scientifique et Technologique (CNPq – Brésil) – Le contrat de travail intermittent au Brésil : l'institution de l’« employé-chômeur »
L'objectif de cette communication est d’analyser le contrat de travail intermittent au Brésil, établi par la réforme du travail (loi n° 13 467/2017). Pour atteindre cet objectif, j’ai analysé des lois, les documents institutionnels et les bases de données du Registre général des travailleurs employés et chômeurs (CAGED) et de la Relation annuel des informations sociales (RAIS) du Ministère du Travail et Emploi du Brésil, de l'Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE) et du Département intersyndical de statistiques et d'études socio-économiques (DIEESE). J’ai constaté tout d'abord la précarisation du travail, en raison de la flexibilisation qui s'est produite avec la légalisation des contrats intermittents en plusieurs secteurs d’emploi formel, réglementant le travail sporadique, avec une alternance de périodes de service et d'inactivité, qui était une forme non légalisée d'emploi formel avant la réforme du travail de 2017. En d'autres termes, l'État a créé une zone grise au moyen d'une « innovation législative » qui permet d'embaucher des travailleurs sans garantie de fournir le travail contracté et sans garantie d'un revenu minimum et continu, une situation résultant de l'avancée du projet capitaliste néolibéral sur les droits du travail et la protection sociale, un scénario qui sera également étudié du point de vue de la vie des « employés-chômeurs », les travailleurs.euses sous contrat de travail intermittent.