Projet "Diginter" coordonné par Léa Lima (Digital Labour Markets Intermediaries at work in comparative perspective):
"Comment les intermédiaires de l’emploi digitaux marchands structurent les inégalités de travail et d’emploi en France et au Brésil ?"
Telle est la question posée au travers du projet Diginter qui bénéficie d’un financement ANR-FAPESP pour trois ans (2025-2028).Le projet propose de développer une approche comparative de la digitalisation du marché du travail en France et au Brésil, combinant une sociologie du travail des intermédiaires numériques du marché du travail comme les plateformes d’intermédiation, les moteurs de recherche d’emploi et les réseaux sociaux professionnels avec une sociologie de l’utilisation des dispositifs techniques par les demandeurs d’emploi et les acteurs du recrutement. La comparaison tire son intérêt de la confrontation des dispositifs numériques largement mondialisés, liée à la mondialisation des principaux acteurs privés de l’intermédiation du marché du travail, avec des contextes nationaux structurant des marchés du travail radicalement différents en France et au Brésil. La diversification des types d’intermédiaires approchés sera croisée avec la prise en compte de la nature segmentée des marchés du travail sectoriels. Nous nous concentrerons sur le marché du travail des soins à domicile d’une part, et le secteur de l’informatique d’autre part. Nous considérons que les intermédiaires du marché tirent profit de l’exploitation du « travail-pour-l’emploi » non rémunéré effectué par leurs propres employés, les travailleurs et les utilisateurs de la main-d’œuvre. Les moteurs de recherche d’emploi ainsi que les plateformes de travail s’appuient sur le travail numérique des deux côtés du marché du travail comme la complétion de profils ou de CV, la description des offres d’emploi, les avis déposés par les uns et les autres. Ils vendent les traces numériques agrégées de ces différentes activités sur des supports techniques aux entreprises afin qu’elles puissent améliorer leurs performances ou leur réputation. La recherche d’emploi par le travailleur devient une activité précieuse pour l’intermédiation numérique. La main-d’œuvre et ses utilisateurs sont tous deux exploités en tant que consommateurs et producteurs du service par les intermédiaires digitaux. Dans cette approche, les intermédiaires du marché du travail sont conçus comme des acteurs sociaux, qui, loin d’être neutres ou transparents, agissent sur le processus d’allocation du travail aux emplois disponibles en imprimant leurs propres logiques d’action et en fonction des représentations du marché du travail et du rôle qu’ils peuvent y jouer.Le projet se déploie en trois axes :
- Les transformations du marché de l’intermédiation numérique : quelles formes d’encastrement institutionnel de l’activité économique en France et au Brésil ? Transnationalisation, concentration, financiarisation et intégration des acteurs économiques de l’intermédiation numérique ? Quelles consequences sur les services d’intermédiation ?
- Le travail des professionnels de l’intermédiation de l’emploi numérique participant à la fabrique de l’infrastructure d’intermédiation (IT, data scientists et professionnels du marketing) : qui sont-ils ? Quels parcours de formation et d’emploi ? Quelles sont leurs conditions d’emploi ? En quoi consiste leur travail ? Que produisent-ils ? Quelles représentations du marché du travail mobilisent-ils dans leur travail ? Avec quel ethos professionnel ? Comment la logique marchande interfère-t-elle dans leur travail ? Quels sont les critères du travail de qualité ?
- Le travail pour l’emploi des utilisateurs : quelles stratégies des intermédiaires digitaux en ligne et hors ligne ? Avec quelles ressources sociales, économiques, culturelles ? Comment se construisent les inégalités sociales d’emploi et de travail dans les activités de recherche d’emploi et de recrutement ?
Une des originalités de ce projet est de s’appuyer une méthode mixte quanti-quali mobilisant les méthodes computationnelles que nous développons grâce à l’intégration dans le projet d’un collègue informaticien du laboratoire Cedric (Olivier Pons) : la collecte massive de données numériques et textuelles et leur exploitation par des modèles de traitement du langage et de l’image sera couplée à une ethnographie des usages des outils digitaux.
Accessibilité des données
Les donnnées récoltées sur la platefrome Yoopies sont accessibles sur simple demande en envoyant un mel à : laurent.grouet@lecnam.net