Colloque interdisciplinaire

Le « sens du travail » : enjeux psychiques, sociaux et politiques de l’activité.

3 octobre 2024
4 octobre 2024

Le « sens du travail » : enjeux psychiques, sociaux et politiques de l’activité.

Colloque interdisciplinaire
3 et 4 octobre 2024
au Cnam, 292 RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS)

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Appel à communications
mis à jour en février 2024
Le travail se dit en plusieurs sens : emploi, statut, produit, profession, lieu d’exercice, activité… Dans ce colloque, c’est l’activité concrète – qu’on peut appeler aussi travail réel ou travail vivant – que nous voulons examiner, en interrogeant ses modes d’organisation, ses utilités, finalités et implications sur qu’on peut entendre par le « sens du travail ».
Dans ce colloque, nous partons de trois hypothèses : le sens n’est pas donné, mais se construit par les individus, les collectifs et les institutions ; les critiques de la perte du sens du travail ou les appels à le redécouvrir n’ont rien d’évident et doivent être analysés ; le développement de cette thématique dans le débat social et universitaire depuis les années 2000 nous dit quelque chose d’important au sujet des expériences négatives et positives des travailleuses et travailleurs, et de ce que pourrait être un avenir plus désirable pour les individus, les collectifs et les mondes de la production. On peut alors interroger ce que révèlent les discours sur le « sens du travail », au sujet de ses transformations et luttes récentes, et des enjeux psychiques, sociaux et politiques.
Un ensemble de discours récents prétend en effet expliquer le sens du travail – et souvent pour commencer la perte du sens du travail – sans s’interroger pour savoir si celui-ci en aurait eu « avant », ou si cette quête trouve seulement maintenant une brèche suffisamment ouverte pour s’exprimer. Chercheur.es, syndicalistes, militant·e·s, responsables politiques, expert·e·s, managers, coachs et « vendeurs de sens » contribuent, de diverses manières et pour différentes raisons, à des diagnostics concernant les conditions de la construction du sens dans l’activité productive. Le plus souvent, leurs apports concernent le champ du salariat, dans les pays du Nord.
Cette thématique peut permettre de pointer aussi le manque d’autonomie individuelle ou collective, l’impossibilité de développer ses capacités, le manque de temps pour « bien faire son travail », la souffrance éthique de devoir faire des choses qu’on désapprouve – qui sont déconnectées des besoins sociaux ou écologiques, qui mettent en danger la santé des personnes ou des écosystèmes –, et plus largement toutes les causes organisationnelles des pathologies psychiques liées au travail.
Mais le discours sur la perte du sens du travail a pu aussi remplacer d’autres critiques centrées sur l’exploitation, l’aliénation ou la reconnaissance, et peut conduire à masquer certaines questions, telles que l’interdépendance entre l’activité dans l’emploi et hors emploi, le recul du pouvoir des collectifs de travail, le démantèlement des droits sociaux, les échecs de certains dispositifs étatiques, les difficultés des pratiques syndicales… Quant aux appels, en positif, à « redonner du sens au travail », ne pourraient-ils pas aussi bien servir des discours appelant à une démocratisation et une redirection écologique de la production, comme ceux des politiques managériales qui visent à enrôler subjectivement les salarié.es ou à contourner les revendications et négociations collectives pour justifier de moindres rémunérations ? Il s’agira dans ce colloque de questionner les conditions sociales de l’émergence d’un questionnement sur le sens du travail et sa portée politique : en définitive, l’aspiration à un travail qui ait du sens est-elle un possible levier de transformation sociale, ou surtout un miroir aux alouettes tant que la subordination et le capitalisme régissent la relation d’emploi ?
Nous appelons à des propositions de chercheur·ses – en ergonomie, sociologie, psychologie, économie, philosophie… –, ainsi que de syndicalistes, expert·e·s ou intervenant·e·s en milieux professionnels, pour répondre, sur la base d’enquêtes de terrain, académiques et/ou militantes, ou bien d’interventions, à trois questions principales :
1/ Quelles sont les conditions de la production de sens dans l’activité concrète ?
Que ce soit dans le cadre d’un emploi et/ou hors de lui (tâches domestiques, bénévoles, informelles…), les personnes mettent en oeuvre dans leur travail réel, des moyens pour lui donner un sens. Quelle est la place de cette « quête du sens » dans la construction psychique des sujets, dans l’activité ? Quelles sont les conditions sociales et psychiques de cette construction de sens ? Quelles évolutions récentes observe-t-on à cet égard dans et hors emploi ?
Qu’en est-il aujourd’hui de la signification des actions de sujets investis dans une pluralité de milieux de vie et de pratiques sociales y compris hors emploi ? Ainsi que des régulations des conduites dans l’emploi, au regard de la signification accordée aux activités dans les autres domaines de la vie ?
Comment la littérature académique en sciences sociales, gestion, psychologie, ergonomie…, s’est-elle ou non emparée de la thématique du « sens du travail », en France et à l’international ? Que nous disent les enquêtes empiriques, les diverses théories de l’activité, des processus psychiques, pratiques, sociaux par lesquels les personnes construisent un ou des sens dans et par leur activité ? Comment comprendre les outils, cadres et contraintes qui déterminent cette construction ? Quel rôle y jouent les technologies ? Et quelles en sont les incidences sur la santé, l’autonomie, la qualité des relations sociales ?
Les réponses à cette première série de questions pourraient contribuer à un état des lieux des recherches sur la manière dont le « sens du travail » se construit dans l’activité, y compris celle de chercheur·se, d’intervenant·e.
2/ Quels sont les différents usages des discours sur le « sens du travail » ?
Quels sont les usages managériaux, syndicaux, politiques, économiques ou marchands de la thématique du « sens du travail » ou du « sens au travail ». Qui sont précisément les groupes sociaux et les collectifs qui produisent ces discours et s’en emparent ? À quoi et à qui servent-ils ? Quelles sont aujourd’hui les luttes pour imposer un sens à une pratique donnée ? Comment se déploient-elles ? Quels en sont les usages subversifs, émancipateurs, instrumentaux ou aliénants ? Quels sont leurs postulats et périmètres ?
On pourrait analyser, par exemple, les discours récents sur le sens du travail dans le cadre du mouvement social contre la réforme des retraites, dans les déclarations des étudiant·e·s qui « bifurquent », dans les pratiques et revendications syndicales, dans les manuels de management, les écoles de commerce, les discours patronaux et gouvernementaux, les associations…
Les réponses à cette seconde série de questions pourraient contribuer à une réflexion d’ordre épistémologique et critique sur les diverses significations et utilisations de la thématique du « sens du / au travail ».
3/ Comment comprendre les diverses expériences d’émancipation visant une activité productive sensée ?
Une partie importante des réflexions contemporaines au sujet de l’émancipation des travailleuses et des travailleurs ainsi que de la démocratisation et de l’écologisation de l’activité, renvoie à la thématique de « l’activité sensée » (qui traduit en partie le « meaningful work » du débat anglosaxon). Dans les démarches syndicales et les enquêtes ouvrières, dans diverses expérimentations de transformation du travail, cette question du sens du travail semble également prendre une place de plus en plus centrale. Mais la question se pose : à quelles conditions ces discours et pratiques centrés sur la construction du sens du travail peuvent-ils être émancipateurs ? Il serait par exemple intéressant d’analyser précisément ce que le collectif « Scientifiques en rébellion », les néo-ruraux qui promeuvent des formes alternatives de travail et de vie, les porteuses et porteurs du dispositif « Territoires zéro chômeurs de longue durée », les Coopératives d’Activité et d’Emploi ou d’autres structures de l’Économie Sociale et Solidaire, certaines formations ou revendications syndicales, etc. entendent par une activité productive qui fait sens, et ce que ces configurations font concrètement de cette thématique.
Les réponses à cette troisième série de questions pourraient contribuer à une réflexion plus large sur le type de syndicalisme et de politiques du travail qui feraient sens, face aux enjeux sociaux et écologiques actuels.
Nous sollicitons des propositions de contributions (entre 2000 et 5000 signes) individuelle ou collective, de chercheur.es et/ou de syndicalistes et militant·e·s (ou en binôme), à nous envoyer avant le 15 avril 2024 à l’adresse colloqsens@gmail.com.
Les propositions seront évaluées par les comités scientifiques et d’organisation. Une réponse sera envoyée à chacun·e avant le 15 juin 2024.

Comité d’organisation
Thomas Coutrot (IRES), Alexis Cukier (MAPP), Marie-Anne Dujarier (LCSP et LISE), Corinne Gaudart (LISE), Léonie Hemdat (LISE), Dominique Lhuilier (CRTD), Noémie Morvan (CRTD), Margaux Trarieux (LCSP), Emilie Veyrat (LCSP).
Comité Scientifique
Brigitte Almudever, Philippe Azkenazy, Marc-Eric Bobillier Chaumon, Jean-Philippe Deranty (Australie), Antoine Duarte, Patricia Guerrero (Chili), Adelaide Nascimento, Muriel Prévot-Carpentier, Karine Chassaing, Marianne Lacombez (Portugal), Luca Paltrinieri, Coralie Perez, Maxime Quijoux, Maud Simonet, Matheus Viana Braz (Brésil), Simon Viviers (Québec).