Appel à articles de la Nouvelle Revue du Travail
L’individualisation de la formation professionnelle
Dossier coordonné par Aurélie Gonnet, Prisca Kergoat et Emmanuel Quenson
Dans plusieurs domaines de la vie sociale, la démonstration de l’existence d’un processus d’individualisation n’est plus à faire. Il n’en va pas différemment en matière de formation professionnelle continue pourtant ancrée à l’origine dans des logiques collectives de promotion sociale et d’émancipation. Ces ambitions originelles n’allaient toutefois pas déjà sans certaines ambiguïtés,à une période où une forte demande de qualification était exprimée par les entreprises au nom de la compétition économique internationale (Quenson, 2011). De fait, la crise de la fin des années 1970 a rapidement revalorisé une perspective adéquationniste des relations formation-emploi (Dayan et al., 2017 ; Dubar, 2015). S’en est suivie la promotion d’une doctrine de la compétence dont les secteurs de l’éducation et de la formation ont été des vecteurs privilégiés (Neyrat, 2015 ; Tanguy, 1986). Au travail, cette doctrine se propose comme une autre manière de gérer la mobilité interne en s’appuyant davantage sur l’évaluation individuelle, contre le modèle de la carrière, de l’ancienneté et de la qualification jusque-là dominant. S’ils n’ont pas disparu, tant s’en faut, ces modèles ont perdu vigueur, ce que le politique a accompagné par l’individualisation de la formation et la démultiplication des certifications professionnelles (Maillard, 2017). Olivier Mazade et Catherine Negroni (2019) rappellent alors combien la formation a été construite comme le meilleur moyen pour transformer et adapter les travailleur·ses, en situation de reconversion et de requalification, participant à la diffusion de « la croyance dominante dans les vertus intrinsèques de la formation»(Garraud, 1995)