L'atelier Approche relationnelle

L'atelier Approche relationelle permet d'approcher de façon expérimentale les questions posées et réfléchies au sein de l'axe G2D (Genre, droit et discriminations).

Responsable-animation : Chantal Nicole-Drancourt

Un Atelier expérimental de réflexion : l’Atelier « Approches relationnelles »

L’approche relationnelle n’est pas une « école » ni un paradigme : c’est avant tout une posture méthodologique qui  rend compte du social à partir de l’analyse des relations individuelles, organisationnelle et institutionnelles. Dans cette approche, la relation est le produit du lien étroit qui encastre  la mise forme institutionnelle et l’organisation du social,  les interactions individuelles n’étant qu’un des langages de la relation sociale.

Dans cette perspective, le féminisme relationnel s’intéresse à la  dimension sexuée de la relation sociale en la qualifiant de relation institutionnalisée de subordination sociale.
Depuis quelques années, divers courants en sociologie économique, études organisationnelles, sociologie des institutions, études de Genre, philosophie et  anthropologie se réclament dune approche qualifiée de « relationnelle ». En sociologie, on parle de « sociologie relationnelle » (ou « relational sociology »,  White 2008, Emirbayer 1997) ou de programme ou perspective « relationaliste » (Corcuff 2006), dans les études de genre (Gender studies), on parle de « féminisme relationnel », à la suite des travaux de la philosophe  féministe et critique américaine N. Fraser . Et depuis 2007, le groupe Genre a travaillé sous forme de séminaires, ateliers de lecture et en conviant des chercheur(e)s français et américains, sur un thème nouveau : les approches relationnelles en sociologie ; pourquoi ?

Les paradigmes classiques des sciences sociales s’opposent depuis toujours sur une bipolarisation et sur les perspectives de dépassement de cette bipolarisation.  Le holisme (qui pense l’action et les interactions comme socialement déterminés) s’oppos ainsi à l’individualisme méthodologique (pour qui les phénomènes sociaux sont d’abord le produit de l’agrégation d’actions individuelles  rationnelles).  Les tentatives de dépassement de cette bipolarisation (constructivistes ou interactionnistes) peinent aussi à sortir des oppositions traditionnelles en butant sur ce qui  en fonde l’origine à savoir : penser séparément le sujet et l’objet, l’objectif et le subjectif, le collectif et l’individuel, le symbolique et l’institutionnel.  Se posant dès l’origine dans une perspective critique, les études féministes n’ont pas permis d’avancer tant le débat qui a hanté le féminisme (à savoir la question des similitudes ou des différences entre les sexes) a toujours été traité comme une question à part qui  pouvait échapper aux grands débats théoriques en sciences humaines et sociales.

L’irruption  du « programme relationnel » dans les études de genre va alors permettre une double rupture. Première rupture, dans  le féminisme relationnel les bi-partitions classiques (biologique/social, essentialisme/différentialisme) seront marginalisées au profit de d’opposition moins à part, comme celle qui oppose individualisme (qui renvoie l’individu sexué à son identité) à relationnel (qui renvoie l’individu sexué à sa place dans les interrelations, à son rôle dans la société et ses institutions, notamment celle de la famille ou du travail). Seconde rupture, ce regard décalé réintègre la question du genre dans les grands paradigmes classiques des sciences sociales en remettant au cœur de la réflexion. Car dans cette approche, on cesse de penser séparément l’individu et la société, comme on cesse de penser l’individu contre la société : le féminisme relationnel tient pour acquis « que les individus sont liés les uns aux autres », et considère « l’individu comme produit d’un tissu  social complexe dans lequel il se forme en même temps qu’il participe à la construction de son identité propre  à travers les relations interpersonnelles et politiques ». Par ailleurs, on remet en cause les catégories qui se donnent comme absolues et universelles parce que ce qui est objet d’analyse ce ne sont pas « les hommes » ou « les femmes », mais la relation, la manière d’agir au masculin et au féminin. En s’intéressant à la dimension sexuée de la relation sociale, le féminisme relationnel est donc un dépassement tant de l’essentialisme (où prime l’individu) que de la symétrie ( où l’individu n’est que produit social) et devient, comme le suggère Irène Théry,  une « sociologie de l’institution de la distinction de sexe ».

C’est cet enjeu épistémologique qui a poussé le groupe genre a entamé un travail  de réflexion ciblé dans un premier temps sur le féminisme relationnel. Des conférences (avec des personnalités aussi diverses que A. R Horchschild ; I. Théry, V. Descombes ou l’historienne Anne Verjus) et   des séances de travail (autour des travaux de N. Fraser, M. Minow ou Emirbayer ) ont permis de comprendre qu’avec le féminisme relationnel, la question est posée de l’émergence, sinon d’un nouveau paradigme, du moins d’une tentative de dépassement qualitatif d’oppositions structurantes en sociologie comme les couples individu et société, individualisme méthodologique et holisme, action rationnelle et non rationnelle, intéressée et/ ou désintéressée.

Au fil du temps, cette perspective relationnelle a rejoint des questionnements épistémologiques plus récurrents dans les sciences sociales et les humanités allant des genders studies, aux culturals studies, à la philosophie de la justice, aux études organisationnelles en passant par la cultural sociology. Le G2D s’est engouffré dans ce « programme relationnel élargi » à travers des ateliers de lectures, des séminaires et conférences. Il s’agit à la fois de s’intéresser aux autres « courants relationnels » (organisations, institution, sociologie économique) et aux utilisations des disciplines voisines (Fraser, Honneth, Sen, philosophie de l’humain, droits humains), mais aussi et surtout aux applications du raisonnement « relationnaliste » dans le champs social, qu’il s’agisse de recomposition ou émergence des institutions, de nouvelles approches en droit à partir d’une conception renouvelée de la justice, des inégalités et de la liberté (loi sur le handicap, directives européennes sur la discrimination), ou des implications théoriques (comme les programmes en cours pour repenser, le pouvoir, l’égalité, l’autonomie et la liberté).